Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas promener dans le parc. En fait, en y repensant, je ne l'avais pas fait depuis mon départ pour l'université. J'observe les gens tout en surveillant Callie. Je souris en la voyant seule dans son coin, dans son monde. Bien sûr, j'aimerais que ma fille ait des amis mais je sais aussi que les enfants et même les adultes sont rares à accepter l'autisme.
Combien de fois mon cœur s'est brisé en entendant un directeur d'école dire qu'il n'acceptait pas les ''enfants dégénérés'' dans son établissement ? Combien de mère j'ai entendu dire à leur enfant de ne pas s'approcher de ma Callie ? Combien de fois j'ai appelé Owen ou ma grand-mère en larme parce que je craquais ? Trop souvent mais il me suffisait de voir ma fille et tout allait mieux.
Elle n'est pas comme les autres et alors ? C'est ma fille, je l'aime. « Maman ? Regarde ce que Callie a trouvé ? » Je souris en la voyant s'extasier devant un trèfle qui n'a plus que deux feuilles. « Il est joli. Tu veux que je te le garde ma puce ? » Sans un mot, Callie me le fourre dans la paume de ma main et retourne jouer. C'est alors que j'entends deux vieilles femmes dire que j'ai dû courage d'accepter d'avoir une enfant attardée.
Mon cœur saigne, les larmes montent mais je ne dis rien même si j'ai envie de leur hurler que ce n'est pas du courage mais de l'amour. Ma fille est comme elle est, point.
Discrètement, j'essuie une larme ayant perlé sur mes joues quand j'aperçois un fantôme du passé. Cette démarche. Ces cheveux. Ce regard. Mon cœur tambourine dans ma poitrine et une petite voix dans ma tête me clame de fuir. Malgré tout, je sais que Callie ne voudra pas partir et déclencher une crise ici serait bien trop contraignant alors je me contente de prier pour qu'il ne me voit pas.

Je reste les yeux rivés sur Callie pour éviter de croiser le regard de Caleb. Discrètement, je croise les doigts entre mes jambes croisées et quand je sens qu'il est tout près, je baisse le regard. Je lâche un soupire de soulagement quand je vois ses chaussures passer devant moi sans s'arrêter et je m'apprête à me lever quand soudain, sa voix résonne à mes oreilles.
Ça fait sept ans que je n'ai pas entendu cette voix mais mon cœur se serre. Tant de bonheur que j'ai sûrement gâché. Tant de mensonges que j'ai envie de lui confesser mais je sais que je n'y arriverais pas. En tout cas, je ne sais pas vraiment comment réagir et d'après ce que j'entends, lui non plus. « Tiens, salut Cal', ça faisait longtemps. Ça va ? » Je lui souris choisissant de faire comme si c'était un bon ami que je n'avais pas revu depuis longtemps et non un ex à qui j'ai menti. « Ma grand-mère est décédée et m'a léguée sa maison alors j'ai décidé de revenir vivre ici. Et toi alors ? Qu'est-ce que tu fais ici ? »
Malgré ce qu'on pourrait penser, la réponse m'intéresse. Est-ce qu'il est resté dans l'espoir qu'un jour, je revienne ? Est-ce qu'il n'est que de passage ? Je dois le savoir par rapport à Callie. Rien qu'en la voyant, il saura que c'est sa fille, elle lui ressemble tellement et je n'ai pas envie qu'il le sache. Du moins, pas comme ça. Pas dans ces conditions.
D'ailleurs, en parlant d'elle, je jette un coup d'oeil discrètement derrière Caleb pour la surveiller et surtout m'assurer qu'elle ne se décide pas à venir me voir. J'en viendrais presque à espérer qu'elle fasse une crise me forçant à rentrer avec elle.