Personne n’est parfait, on fait tous des erreurs. J’ai beau exercer le métier de juge pour enfants et travailler dans la justice, j’ai moi-même un passé, une histoire douloureuse à raconter comme tous le monde mais qui est ancrée au plus profond de nous. J’étais jeune et insouciante de la vie, j’étais amoureuse à l’idée d’être aimée et désirée par quelqu’un, pour moi c’était de l’amour. Plus que ça d’ailleurs, j’aurais fais n’importe quoi pour Jérémy, mais il était différent. Peut-être que cet amour était réciproque mais il ne le montrait pas en tout cas. Le jour où j’ai appris que j’étais enceinte de trois mois et que je ne pouvais avorter arriver à ce stade de la grossesse, sa réaction ne m’étonna même pas. Il prit la fuite et n’assuma pas le bébé, c’est le dernier jour où je l’ai vu. C’était il y a quinze ans. Ne pouvant avorter, j’ai donc décidé de mener la grossesse à terme et de faire adopter le bébé le jour de sa naissance, pour qu’il ai la chance d’avoir une vie heureuse. J’étais incapable d’assumer un enfant à l’âge de 17 ans, je n’étais même pas adulte.

C’est grâce à Mila que j’ai réussi à surmonter cela. Mila, j’en aurais fais des choses pour ma meilleure amie. Comme par exemple, accepter ce poste de juge qu’on me proposait ici à Fairwalk, ma ville paternelle, où j’ai passé la plupart de mes vacances. Un nouveau départ, une nouvelle vie, j’ai toujours adoré cette ville bien que je sois toujours attachée éperdument à ma douce France.

Aujourd’hui, comme tous les jours de la semaine, je pris mon petit déjeuner aux Délices aux Merveilles, la pâtisserie de Mila. Puis je me rendis au tribunal là où toute ma paperasse m’attendait, j’avais un procès prévu dans la semaine alors il fallait que je sois prête. J’aurais peut-être du dormir plus longtemps car c’est bien connu, le matin et moi, ça fait du bien. La prochaine fois, j’essaierai de voir Jude plus longtemps. Pourquoi est-ce que j’ai toujours un sourire niais lorsque je pense ou parle de lui ? Faut arrêter Ally, tu n’as plus seize ans.

Une fois au tribunal, je salua mes collègues puis partit m’enfermer dans mon bureau afin de relire mes dossiers des enfants dont j’ai la charge. Soudain, ma collègue entra dans mon bureau et me signala qu’un jeune homme attendait pour me voir. Je laissa mes dossiers de coté pour me relever et accueillir l’adolescent.

Mon beau sourire tendre sur mon visage, je posa mon visage sur lui.

« Bonjour, je suis Mlle Thomas. Que puis-je faire pour toi, installes-toi je t’en prie. »

Une fois que le jeune homme me rejoins dans mon bureau, je lui souris avec une immense tendresse. Je ne savais pas ce qu'il l'emmenait ici, mais forcément, il devait bien y avoir quelque chose alors j'essayais d'être le plus maternel possible. Je fronce les sourcils en remarquant l'état dans lequel il est, il m'a l'air mal à l'aise et cela m'inquiète un peu. Forcément, avec tout ce qu'il se passe dans des familles de nos jours, il se pourrait que ce soit grave.

«Est-ce que tout va bien ? Tu veux peut-être un verre d'eau ? » lui proposai-je. Je l'invite ensuite à s'asseoir en face de mon bureau, quand tout d'un coup il se met à parler et à m'expliquer la raison de sa présence ici. Au fur et à mesure qu'il parle, je le regarde, choquée. A l'instant où il me parle de ma grossesse, et de l'adoption du petit Théo je me fige. Comment est-il au courant de cela ? Mes yeux commencent à briller lorsqu'il finit sa phrase, c'est Théo. Le jeune homme qui se trouve devant moi n'est autre que le petit bout que je n'ai pas vu depuis quinze ans, le jour de sa naissance. Théo. Mon Théo, l'enfant que j'ai porté pendant neuf mois dans mon ventre.

«Théo, c'est toi.. Mais comment est-ce possible, comment.. Comment tu as su où je me trouvais ? Pardonne-moi ma réaction, je ne m'attendais pas à ce que mon passé d'il y a quinze ans me rattrape. Je suppose que si tu es là, ce n'est pas par hasard..» dis-je en me mordant la lèvre.  Il m'en voulait, c'était certain. Moi aussi j'ai regretté ma décision et j'ai eu du mal à tourner la page.
Je me redresse de sur mon siège, essayant de me montrer forte même si intérieurement, ce sont les chutes du Niagara. J'approuve d'un signe de tête, suite à ce qu'il me dit ensuite.

« Je comprends, tout à fait. Tu as le droit de savoir Théo, je pense qu'il y a beaucoup de questions qui te trottent en tête. Avant, j'veux juste que tu saches.. Que si j'ai fais cela, c'était simplement pour toi, pour que tu sois heureux avec une vraie famille. »

Si je m'attendais à cela.. Non, jamais. Jamais je n'aurais pensé que l'enfant que j'ai mis au monde il y a quinze ans déciderait de partir à ma recherche et surtout, réussirait à parvenir à ses fins. Je dois avouer que je me suis permise d'y songer une fois, avec Mila, je me doutais que cela pouvait être possible malgré le peu de chance. A croire que j'ai tout faux. Les mots qu'il emploie ensuite face à moi me donnent les larmes aux yeux, je ne suis pas conne non plus, je comprends très bien à quel point il éprouve de la rancoeur pour ce que j'ai fais. Pour ma part, je ne regrette pas mon choix, je voulais simplement son bonheur, rien d'autre.

«Je suis heureuse pour toi Théo, c'est tout ce dont je souhaitais pour toi, sincèrement.» lui dis-je, j'usais de mon self contrôle et de mon sang froid pour tenter de ne pas craquer même si c'est dur. Je ne pensais pas que ça allait autant me toucher de voir l'enfant que j'ai porté neuf mois face à moi. Il essayait de jouer les gros durs en me montrant combien il m'en voulait et ses larmes aux yeux me confirmèrent ce que je pensais, il pensait vraiment que je l'avais abandonné. Lorsqu'il évoqua son père, je me raidis. C'est à cause de lui que j'ai décidé de le faire adopter.
«Non. Je ne l'ai pas vu depuis que je lui ai dis que j'étais enceinte et qu'il était trop tard pour avorter. Il n'a pas supporté la nouvelle. Si ça t'intéresse, il s'appelle Jérémy Rolland, je ne sais pas ce qu'il est devenu.» soufflai-je, repenser à cette période douloureuse était horrible et j'avais de plus en plus de mal à ne pas pleurer.

J'approuva d'un signe de tête en l'entendant me raconter l'histoire de cette jeune fille, je n'avais pas d'excuses c'est sur. «Tu as raison, elle a été plus forte et courageuse que je ne l'ai été. Quand je suis tombée enceinte, je me suis retrouvée seule, ma famille ne voulait plus me parler. Pour eux, c'était une honte d'être enceinte sans être mariée et sûrement d'être une mère célibataire. Il n'y a que ma meilleure amie qui a été présente pour moi. Si je l'ai fais, c'était pour ton bien Théo. Je voulais que tu aies une vie heureuse avec deux parents qui t'aiment, j'étais trop jeune et insouciante de la vie pour devenir mère.» lui dis-je de ma voix tremblante. Bien sur que je remarque qu'il se met à me tutoyer, c'est dure oui. Je ne voulais qu'aucune chose, m'effondrer dans les larmes de Mila. Ou encore plus, de Jude, mais il n'est pas au courant. «Je comprends que tu sois énervé après moi, c'est normal. Je n'avais pas le choix, j'ai signé un contrat de confidentialité qui m'interdit de prendre contact avec toi.»

Mes yeux brillaient, si je m'attendais à voir en face de moi, le petit que j'ai porté pendant neuf mois. Parfois il m'est arrivé d'y songer, évidemment que je voulais le connaître mais je ne me voyais pas débarquer chez lui, en France, faisant comme si de rien ne s'était passé. La décision que j'ai prise a été difficile à prendre mais je l'ai respecté jusqu'au bout. C'est normal qu'il soit énervé après moi, il a besoin de réponses. «C'est comme ça, ça fait partie de l'adoption à la naissance. Je suis désolée si je t'ai fais du mal..». Les mots qu'il me dit ensuite sont très durs, quelques larmes coulent le long de mon visage. Vraiment difficile de rester de marbre, je n'ai plus envie de me cacher. Ma voix tremble mais je refuse qu'il pense cela.

«Non au contraire Théo, je t'aimais. Plus que ma propre vie, c'est parce que je t'aimais que j'ai pris cette décision. Je voulais que tu sois heureux.» soufflai-je.

Il fallait bien que mon passé me rattrape dessus un jour ou l'autre. J'avais réussis à remonter la pente, à me guérir de cette douloureuse période mais à croire qu'elle sera toujours ancrée au fond de mon âme. Je ne pouvais garder le bébé, il peut me juger ou quoi, au fond je ne regrette pas. Surtout lorsque je vois le beau jeune homme qu'il est devenu. J'aurai pu demander de l'aide mais non, je refuse qu'on m'épaule, qu'on me donne de l'argent comme la société a l'habitude de faire. Je n'avais pas l'âge pour devenir maman, encore moins le moral. Je posais mon regard sur lui lorsqu'il me vouvoie de nouveau en se levant, je me lève à mon tour pour le rattraper. «Théo, attends. Je sais que tu me détestes, pour ce que j'ai fais et je comprends, j'aurais fais la même chose. Je veux juste que tu saches que je serai toujours là pour toi, d'accord ? Tu es venu de France juste pour me voir, où loges-tu ?.» osais-je lui demander. «J'aimerais vraiment me rattraper et te connaître davantage, tu veux que je t'emmène manger quelque part ?.»